Pourquoi dit-on d’un vin qu’il a des jambes (ou des larmes) ?
« DIEU N'AVAIT FAIT QUE L'EAU,
L'HOMME A FAIT LE VIN. »
VIN EN BOUCHE DÉLIE LES LANGUES
Mais la magie du vin n’est pas tant de nous égayer que de nous faire parler bien plus facilement qu’un coup d’annuaire sur la tronche dans un commissariat de banlieue (mais reste-t-il seulement des annuaires chez les condés ?). Je ne parle pas des propos incohérents de ceux qui, à trop vider de verres, en arrivent à avaler tout autant les syllabes. Non, je songe à ces conversations en famille ou entre amis qui, partant d’un simple commentaire sur la bouteille qui accompagne les agapes, dérivent vers les terres heureuses du souvenir.
DES MOTS POUR LE DIRE
IFOP encore : les trois quarts des Français parlent régulièrement de vin avec leurs proches, alors que, malgré le tapage médiatique autour des états d’âmes de Neymar et de la chatte à Dédé, seule une moitié cause football. 75%, c’est déjà beaucoup, mais ce pourrait être mieux ! Il y a fort à parier, en effet, que le vin serait sur toutes les lèvres de ceux qui l’aiment en bouche si certains, craignant de paraître maladroits, sinon ridicules, ne taisaient leur enthousiasme, faute de connaître le vocabulaire qu’il faut pour l’exprimer.
Enfin, si, tout à coup, votre voisin de table vous dit de son vin qu’il a des larmes ou des jambes, ne prenez surtout pas les vôtres à votre cou pour fuir l’hurluberlu aviné ! Ces deux catachrèses évoquent le même phénomène : ces traces transparentes et grasses qui se forment sur la paroi du verre quand, d’un petit mouvement du poignet, on fait tourner le vin dedans. Longtemps, on a prétendu qu’elles révélaient une présence accrue de glycérol, l’un des deux constituants alcoolisés du vin, celui qui décide de sa suavité (l’autre, l’éthanol, entraînant l’ivresse). Mais la science et, plus particulièrement, son volet consacré à la mécanique des fluides, est venue contredire cette croyance.
FINES LARMES OU JAMBES LOURDES ?
Grâce aux travaux de l’Italien Carlo Marangoni, on sait désormais que si le vin nous dévoile ses jambes plus librement encore que Marilyn dans « Sept ans de réflexion », ce n’est pas parce qu’il est aussi rond que ceux qui en abusent, mais parce qu’il contient de l’alcool et de l’eau. Or, ces deux éléments ne réagissent pas pareil au tournoiement qu’on leur fait subir. Différents par leurs températures d’évaporation (100° pour l’eau, 78° pour l’alcool), par leur tension de surface (la force opposée à la pression de l’air) et, du même coup, par leur capillarité (l’effet mouillant au contact d’un solide), les deux liquides se séparent. L’eau monte haut sur le verre pour y former de grosses gouttes tandis qu’en dessous d’elles, l’alcool s’étale sur la paroi en une fine pellicule qui, en s’évaporant par endroit, ouvrent des brèches pour les perles aqueuses.
Voilà pourquoi un vin peut vous séduire par sa belle robe et ses jolies jambes, mais révéler au final, sitôt passé le premier baiser, un caractère pâlot. Alors, pensez-y à l’heure de lever votre verre pour trinquer avec votre prochain rendez-vous Meetic : peu importe ce qui se montre, c’est ce qui se découvre qui compte ! Et je ne sais pas pour vous, mais moi, rien que de le savoir et de me dire que je vais mourir moins con (et le plus tard possible), le cœur plein du souvenir de tous ces merveilleux nectars qui ont égayé ma vie et des lèvres qui les ont bus avec moi, ça me ravit.
Les jambes et le vin : Simone Perrone, via Unsplash
La femme et le vin : Alfonso Scarpa, via Unsplash
Le vin entre amis : Kelsey Chance, via Unsplash
Les larmes du vin : Anuwat Khamngoen, via FreeImages
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Pourquoi dit-on d’un vin qu’il a des jambes (ou des larmes) ?
« DIEU N'AVAIT FAIT QUE L'EAU,
L'HOMME A FAIT LE VIN. »
VIN EN BOUCHE
DÉLIE LES LANGUES
Mais la magie du vin n’est pas tant de nous égayer que de nous faire parler bien plus facilement qu’un coup d’annuaire sur la tronche dans un commissariat de banlieue (mais reste-t-il seulement des annuaires chez les condés ?). Je ne parle pas des propos incohérents de ceux qui, à trop vider de verres, en arrivent à avaler tout autant les syllabes. Non, je songe à ces conversations en famille ou entre amis qui, partant d’un simple commentaire sur la bouteille qui accompagne les agapes, dérivent vers les terres heureuses du souvenir.
DES MOTS POUR LE DIRE
IFOP encore : les trois quarts des Français parlent régulièrement de vin avec leurs proches, alors que, malgré le tapage médiatique autour des états d’âmes de Neymar et de la chatte à Dédé, seule une moitié cause football. 75%, c’est déjà beaucoup, mais ce pourrait être mieux ! Il y a fort à parier, en effet, que le vin serait sur toutes les lèvres de ceux qui l’aiment en bouche si certains, craignant de paraître maladroits, sinon ridicules, ne taisaient leur enthousiasme, faute de connaître le vocabulaire qu’il faut pour l’exprimer.
Enfin, si, tout à coup, votre voisin de table vous dit de son vin qu’il a des larmes ou des jambes, ne prenez surtout pas les vôtres à votre cou pour fuir l’hurluberlu aviné ! Ces deux catachrèses évoquent le même phénomène : ces traces transparentes et grasses qui se forment sur la paroi du verre quand, d’un petit mouvement du poignet, on fait tourner le vin dedans. Longtemps, on a prétendu qu’elles révélaient une présence accrue de glycérol, l’un des deux constituants alcoolisés du vin, celui qui décide de sa suavité (l’autre, l’éthanol, entraînant l’ivresse). Mais la science et, plus particulièrement, son volet consacré à la mécanique des fluides, est venue contredire cette croyance.
FINES LARMES
OU JAMBES LOURDES ?
Grâce aux travaux de l’Italien Carlo Marangoni, on sait désormais que si le vin nous dévoile ses jambes plus librement encore que Marilyn dans « Sept ans de réflexion », ce n’est pas parce qu’il est aussi rond que ceux qui en abusent, mais parce qu’il contient de l’alcool et de l’eau. Or, ces deux éléments ne réagissent pas pareil au tournoiement qu’on leur fait subir. Différents par leurs températures d’évaporation (100° pour l’eau, 78° pour l’alcool), leur tension de surface (la force opposée à la pression de l’air) et, du même coup, leur capillarité (l’effet mouillant au contact d’un solide), les deux liquides se séparent. L’eau monte haut sur le verre pour y former de grosses gouttes tandis qu’en dessous d’elles, l’alcool s’étale sur la paroi en une fine pellicule qui, en s’évaporant par endroit, ouvrent des brèches pour les perles aqueuses.
Voilà pourquoi un vin peut vous séduire par sa belle robe et ses jolies jambes, mais révéler au final, sitôt passé le premier baiser, un caractère pâlot. Alors, pensez-y à l’heure de lever votre verre pour trinquer avec votre prochain rendez-vous Meetic : peu importe ce qui se montre, c’est ce qui se découvre qui compte ! Et je ne sais pas pour vous, mais moi, rien que de le savoir et de me dire que je vais mourir moins con (et le plus tard possible), le cœur plein du souvenir de tous ces merveilleux nectars qui ont égayé ma vie et des lèvres qui les ont bus avec moi, ça me ravit.
Les jambes et le vin : Simone Perrone, via Unsplash
La femme et le vin : Alfonso Scarpa, via Unsplash
Le vin entre amis : Kelsey Chance, via Unsplash
Les larmes du vin : Anuwat Khamngoen, via FreeImages