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Pourquoi Bernard Hinault est surnommé le Blaireau (et Laura Flessel la Guêpe) ?

Le sport de haut niveau est un jeu de trônes ! Les couronnes y abondent et toutes ne sont pas de lauriers. Pelé est le Roi, tout comme Éric Cantona, alias The King, l'était pour les Anglais. Beckenbauer est le Kaiser (l'Empereur, en teuton). Laurent Blanc, 1789 oblige, est le Président. Un Gotha où Bernard Hinault, champion de la Petite Reine, aurait bien mérité sa place. Sauf que lui, on ne l'a pas surnommé le Duc (de Bretagne) mais le Blaireau. C'est tout de suite moins noble. Il n'empêche que le quintuple vainqueur du Tour n'en reste pas moins un géant aux yeux de l'enfant que j'ai été !
Les tricheries d’Armstrong ou des Festina n’y ont rien changé : j’aime le vélo. Ce goût pour la Petite Reine et le Tour de France m’est venu dès mon plus jeune âge. Quand mes camarades égayaient leurs après-midis d’été avec Isidore et Clémentine, les lapins de Croque Vacances, moi, j’étais sur Antenne 2 à regarder l’échappée du jour commentée par Robert Chapatte.

Malgré les années, des noms encore teintés de mon admiration juvénile, me reviennent toujours en mémoire. Il y avait Peter Winnen, le grimpeur hollandais qui ne s’avouait jamais battu, Robert Alban, le grand échalas de La Redoute Motobécane (rien que ce nom, ça sent bon la nostalgie !), Freddy Maertens, le sprinter belge, Jean-René Bernaudeau, l’éternel espoir, Joop Zoetemelk, le recordman des secondes places et, bien sûr, le grand patron de l’époque : Bernard Hinault.

Hinault, c’est huit Grandes Boucles, 5 victoires et deux “deuxième place”. Sans faire offense au regretté Laurent Fignon ou à Laurent Jalabert, de grands champions eux-aussi, le Breton reste le dernier géant du cyclisme français. Dopé ? Il n’a jamais rien avoué ni connu de contrôle positif, mais les supputations vont bon train, au seul motif que tous ses adversaires prenaient alors des substances interdites. Et alors ? Qu’importe de savoir si, tout au long de sa belle carrière, le bonhomme n’a carburé qu’au chouchen et au cidre brut ! Parce qu'il est clair que deux choses coulaient davantage dans son sang que dans celui de ses concurrents : le talent et… le panache !

Maillot jaune sur les épaules, ce formidable compétiteur n’hésitait pas, en effet, à se frotter aux meilleurs sprinters du moment. Comme ce dimanche de juillet 1982 où, contre toute attente, il devança les plus grands spécialistes du genre pour s’octroyer une victoire de prestige sur les Champs Elysées (je le sais pour l'avoir vue en direct à la télé !). C'est à ce genre de succès et son goût féroce pour la gagne que le natif d'Yffiniac doit son drôle de surnom : le Blaireau.
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UN ANIMAL À SANG CHAUD

Au bistrot, un blaireau est un pauvre mec, un bas du front, un sombre con, bref le genre de gars avec qui on n’a pas vraiment envie de trinquer, sauf si, bien sûr, il est votre supérieur hiérarchique direct, le mari de votre meilleure amie ou un contrôleur des impôts, façon Lucien Cheval.

Mais dans le peloton, tout est différent. Le monde du vélo entretient, comme les Québécois, sa propre parlure. Par exemple, un “coup de cul” n’a rien à voir avec la chance. C’est une portion de route courte mais sacrément pentue qui exige qu’on se dresse sur ses pédales, façon danseuse. Pareillement, un gars “branché” ne s’affiche pas en cuissard Zadig & Voltaire. Non, il est plutôt porté sur la transfusion sanguine. Tout comme le “saleur de soupe” qui, au potage Liebig, préfère l’EPO et les anabolisants. Quant au “suceur de roue”, il n’a rien d’un glouton, pas plus que d’un pervers ; il s’agit tout simplement d’un coureur qui se laisse vivre dans le sillage de ses compagnons d’échappée, les laissant s’épuiser avant de les attaquer.   


Et le blaireau dans tout ça ? Dans le cyclisme des années 70, le terme n’avait pas le sens péjoratif qu’on lui connaît aujourd’hui. On l’employait volontiers pour interpeller ses copains d’entraînement. « Allez les blaireaux, on visse la poignée », disait-on à l’heure de mettre les gaz. Le mot était quelque peu passé de mode quand Michel Le Denmat, un autre coureur breton, admiratif de la rage de vaincre du leader de l’équipe Renault-Gitanes, s’exclama : « Ce gars-là est un blaireau », sous-entendant ainsi que, comme cet animal, Bernard Hinault ne lâchait jamais sa proie.

Le surnom est resté, d’autant que son récipiendaire l’a vite adopté. Connu pour son caractère bien trempé, lui qui, sur le Paris Nice 1984, lors d’un blocus organisé par les ouvriers des chantiers naval de La Ciotat, asséna un belle droite au manifestant qui venait de le faire tomber, le Blaireau  revendique volontiers une certaine ressemblance avec son animal-totem. « Tout comme lui, quand on m'emmerde, je rentre dans mon trou. Mais quand je sors, je mords. »

Voilà pourquoi Bernard Hinault restera à jamais comme le Blaireau et, par dessus tout, comme l’un des héros de mon enfance. Et le Guêpe dans tout ça ? Ah oui, j’oubliais… Escrimeuse émérite et ministre éphémère, Laura Flessel doit son surnom à sa façon bien à elle de piquer ses adversaires au pied. Une botte qui a fait mouche bien des fois ! Et je ne sais pas pour vous, mais moi, rien que de le savoir et de me dire que je vais mourir moins con (après un dernier Tour de France, mais le plus tard possible), ça me ravit.
Photos Bernard Hinault :
Par Inconnu — [1] Dutch National Archives, The Hague, Fotocollectie Algemeen Nederlands Persbureau (ANEFO), 1945-1989 bekijk toegang 2.24.01.04 Bestanddeelnummer 929-8769, CC BY-SA 3.0 nl, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=37205858
Par Marcel Antonisse / Anefo — Nationaal Archief, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=41482941
Et puisqu'il se dit qu'en France, tout se termine par une chanson, je vous offre celle-là :

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