Pourquoi les taxis londoniens sont noirs (et les New-Yorkais jaunes) ?
Les chauffeurs de taxi exercent l’un des plus vieux métiers du monde. L’idée d’un trajet facturé selon sa longueur date en effet de l’Antiquité, époque à laquelle les Romains inventèrent un système de comptage ingénieux à partir de petites boules. Fixé sur l’essieu d’un essidum, un char à deux roues pouvant emporter un passager en plus du cocher, le mécanisme libérait les boules une à une au fil des tours de roue. A l’arrivée, il suffisait de les compter pour déterminer le prix de la course.
Si le taxi est un concept romain, le mot, lui, est d’origine grecque. Pour les contemporains d’Aristote, taxis signifiait arrangement ou disposition. On en a fait la taxe — et Dieu sait qu’on en a fait et qu’on fait encore ! — et le taxameter quand, en 1891, il fallut donner un nom à l’invention de l’Allemand Friedrich Wilhelm Gustav Bruhn : un petit appareil mesurant à la fois le temps et la distance d'un trajet en vue de sa rémunération. En passant le Rhin, le taxameter est devenu le taximètre. Moins de vingt ans plus tard, amputé de sa dernière moitié, le mot a fini par désigner bien plus que le compteur : le véhicule tout entier.
DU CARROSSE AU CABRIOLET
Si l’on trouve des Romains, du grec et un Allemand dans l’histoire des taxis, celle-ci passe aussi par l’Angleterre. C’est en effet sur les bords de la Tamise, en 1588, qu’est créé l’ancêtre de nos compagnies de taxi actuelles quand le sieur Baily, ancien officier de marine, a l’idée de proposer à quelques clients fortunés de relier Londres à Westminster en carrosse plutôt qu’en chaise-à-porteur, le mode de transport en usage jusqu’alors.
Le succès est au rendez-vous et les carrosses de louage se multiplient. Ils sont bientôt remplacés par des hackneys, des véhicules plus légers entraînés par deux chevaux. Aujourd’hui encore, dans une grande partie du monde anglo-saxon, ce terme désigne les taxis dotés d’une licence officielle. Il faut dire que l’hégémonie des hackneys a duré près de deux siècles, jusqu’à l’avènement, au début du XIXe siècle, d’un tout nouveau modèle de véhicule hippomobile : le cabriolet.
« LE CAB EST UNE VOITURE AINSI FAITE QUE DE L'INTÉRIEUR,
LE SUPÉRIEUR NE VOIT PAS LE POSTÉRIEUR
DE L'INFÉRIEUR QUI EST À L'EXTÉRIEUR. »
INDÉMODABLE OU PRESQUE
Force est d’avouer que, pour une fois, cette coquetterie conservatrice des sujets de Sa Gracieuse Majesté, est tout à fait légitime. Car un cab, voyez-vous, c’est bien davantage qu’un taxi. Un cab, c’est un cab ! Alors que leurs homologues continentaux roulent indifféremment en Japonaises hybrides ou en SUV allemands, tous les cabbies londoniens ou presque ne jurent que par l’ex-London Taxi Company, rebaptisée London Electric Vehicle Company depuis qu’il y a deux ans, sous l’impulsion du Chinois Geely qui l’a rachetée en 2013, elle s’est convertie à la motorisation électrique. Dernier constructeur de taxi au monde, il ne compte que deux modèles à son catalogue : le TX4 et son cadet, le très écolo TX eCity.
Le duo se ressemble comme deux gouttes d’eau. Il faut dire qu’il reprend les caractéristiques quasi immuables d’une longue lignée, initiée dans les années 60 par la FX4 : un habitacle haut, un long capot avec une grande calandre, une cabine pouvant accueillir cinq passagers avec sa banquette triple et ses deux strapontins en vis-à-vis, une séparation vitrée entre le chauffeur et ses passagers et une plate-forme bagages à côté du conducteur. Le tout réuni sous une carrosserie… noire !
Une uniformité que l’on retrouve de l’autre côté de l’Atlantique. Il ne vous aura pas échappé, en effet, que les taxis américains affichent tous la même couleur : le jaune. Cette fois, il n’est pas question d’économie, mais de marketing. Au début du XXe siècle, un jeune entrepreneur d’origine slovaque, se met en tête de mettre le taxi automobile à la portée du plus grand nombre. Son nom : John Daniel Hertz. Celui qui, des années plus tard, développera la fameuse société de location qui porte toujours son nom, démarre son activité à Chicago. Pour se faire remarquer, il a une idée pour le moins originale : après avoir lu une étude de l’université locale affirmant que le jaune est la couleur qui se repère le plus loin, il fait peindre chacune de ses voitures d’une belle teinte citron. Heureuse initiative couronnée de succès ! La Yellow Cab Company fait bientôt des émules dans toutes les cités états-uniennes. Au point qu’en 1967, quand le Congrès américain légifère sur les medallion taxis, les taxis agréés, il stipule que leur carrosserie est obligatoirement jaune.
Voilà pourquoi les taxis sont noirs dans les rues de Londres et jaunes dans celles de New York. Et je ne sais pas pour vous, mais moi, rien que de le savoir et de me dire que je vais mourir moins con (et le plus tard possible), ça me ravit.
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Si le taxi est un concept romain, le mot, lui, est d’origine grecque. Pour les contemporains d’Aristote, taxis signifiait arrangement ou disposition. On en a fait la taxe — et Dieu sait qu’on en a fait et qu’on fait encore ! — et le taxameter quand, en 1891, il fallut donner un nom à l’invention de l’Allemand Friedrich Wilhelm Gustav Bruhn : un petit appareil mesurant à la fois le temps et la distance d'un trajet en vue de sa rémunération. En passant le Rhin, le taxameter est devenu le taximètre. Moins de vingt ans plus tard, amputé de sa dernière moitié, le mot a fini par désigner bien plus que le compteur : le véhicule tout entier.
DU CARROSSE AU CABRIOLET
Si l’on trouve des Romains, du grec et un Allemand dans l’histoire des taxis, celle-ci passe aussi par l’Angleterre. C’est en effet sur les bords de la Tamise, en 1588, qu’est créé l’ancêtre de nos compagnies de taxi actuelles quand le sieur Baily, ancien officier de marine, a l’idée de proposer à quelques clients fortunés de relier Londres à Westminster en carrosse plutôt qu’en chaise-à-porteur, le mode de transport en usage jusqu’alors.
Le succès est au rendez-vous et les carrosses de louage se multiplient. Ils sont bientôt remplacés par des hackneys, des véhicules plus légers entraînés par deux chevaux. Aujourd’hui encore, dans une grande partie du monde anglo-saxon, ce terme désigne les taxis dotés d’une licence officielle. Il faut dire que l’hégémonie des hackneys a duré près de deux siècles, jusqu’à l’avènement, au début du XIXe siècle, d’un tout nouveau modèle de véhicule hippomobile : le cabriolet.
« LE CAB EST UNE VOITURE AINSI FAITE QUE DE L'INTÉRIEUR,
LE SUPÉRIEUR NE VOIT PAS LE POSTÉRIEUR
DE L'INFÉRIEUR QUI EST À L'EXTÉRIEUR. »
INDÉMODABLE OU PRESQUE
Force est d’avouer que, pour une fois, cette coquetterie conservatrice des sujets de Sa Gracieuse Majesté, est tout à fait légitime. Car un cab, voyez-vous, c’est bien davantage qu’un taxi. Un cab, c’est un cab ! Alors que leurs homologues continentaux roulent indifféremment en Japonaises hybrides ou en SUV allemands, tous les cabbies londoniens ou presque ne jurent que par l’ex-London Taxi Company, rebaptisée London Electric Vehicle Company depuis qu’il y a deux ans, sous l’impulsion du Chinois Geely qui l’a rachetée en 2013, elle s’est convertie à la motorisation électrique. Dernier constructeur de taxi au monde, il ne compte que deux modèles à son catalogue : le TX4 et son cadet, le très écolo TX eCity.
Le duo se ressemble comme deux gouttes d’eau. Il faut dire qu’il reprend les caractéristiques quasi immuables d’une longue lignée, initiée dans les années 60 par la FX4 : un habitacle haut, un long capot avec une grande calandre, une cabine pouvant accueillir cinq passagers avec sa banquette triple et ses deux strapontins en vis-à-vis, une séparation vitrée entre le chauffeur et ses passagers et une plate-forme bagages à côté du conducteur. Le tout réuni sous une carrosserie… noire !
Une uniformité que l’on retrouve de l’autre côté de l’Atlantique. Il ne vous aura pas échappé, en effet, que les taxis américains affichent tous la même couleur : le jaune. Cette fois, il n’est pas question d’économie, mais de marketing. Au début du XXe siècle, un jeune entrepreneur d’origine slovaque, se met en tête de mettre le taxi automobile à la portée du plus grand nombre. Son nom : John Daniel Hertz. Celui qui, des années plus tard, développera la fameuse société de location qui porte toujours son nom, démarre son activité à Chicago. Pour se faire remarquer, il a une idée pour le moins originale : après avoir lu une étude de l’université locale affirmant que le jaune est la couleur qui se repère le plus loin, il fait peindre chacune de ses voitures d’une belle teinte citron. Heureuse initiative couronnée de succès ! La Yellow Cab Company fait bientôt des émules dans toutes les cités états-uniennes. Au point qu’en 1967, quand le Congrès américain légifère sur les medallion taxis, les taxis agréés, il stipule que leur carrosserie est obligatoirement jaune.
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