Pourquoi les Ferrari sont rouges (une fois sur deux) ?
Avec le rouge, on ne sait jamais sur quel pied danser ! C’est la couleur du sang. Celui qui coule dans nos veines porte la vie. Celui qui se répand dit la douleur et davantage. C’est la couleur du feu : on s’en approche, il vous réchauffe ; on s’en approche encore et il vous brûle. Le rouge, c’est la couleur du danger et celle des logos de Coca Cola, Netflix, H&M et Nintendo et l’on se dit que ce n’est peut-être pas un hasard !
Le rouge, c’est la couleur reine du vin, ce délice qui, à l’excès, se fait dérive. Le rouge, c’est le feu ou le stop qui arrête votre course, le sens interdit qui vous condamne si souvent le chemin le plus court. Mais quand il se pose sur les lèvres d’une femme ou qu’il teinte un fourreau à la Jessica Rabbit, il éveille les sens, libère le désir, fait naître un possible même si le chemin qui mène à sa conclusion peut être long et douloureux, voire sans issue !
Le rouge, c’est la couleur de la colère, cette mauvaise conseillère, de la muleta que le matador agite sous le nez du taureau pour le rendre furieux et, du même coup, fragile. Qui voit rouge ne voit plus ! Mais dans le même temps, c’est la couleur de l’amour, des roses que l’on offre pour le déclarer, des cœurs mièvres dont les boutiques décorent leurs vitrines à la veille de la Saint-Valentin, des traces d’un baiser qui restent sur votre cou ou qui déclenche le courroux — on y revient ! — de votre légitime quand elle les trouve sur le col de votre chemise.
Enfin, le rouge, c’est la couleur de la passion et ça, ça lui va bien. Parce que la passion nous fait vivre comme jamais et parfois souffrir à mourir. Parce qu’elle nous réchauffe et le cœur et les sens, qu’elle nous envoie ainsi au septième ciel, mais qu’à monter trop haut, à s‘approcher de trop près du feu sacré, on le sait depuis Icare, on finit par se brûler les ailes. Parce que le plaisir que nous en tirons est si grand qu’elle nous conduit à l’ivresse, cet état où nous ne nous appartenons plus. Parce qu’elle arrête tout ce qui n’est pas elle, tout ce qui n’est pas l’autre dans notre vie et nous entraîne trop souvent dans une impasse. Parce qu’elle est l’amour et le désir, la jalousie et l’aveuglement.
Et puis le rouge, c’est la couleur reine des Ferrari ! Et ça non plus, ce n’est peut-être pas un hasard…
ROSSA COME UN ITALIANA
La Porsche 911 est inimitable. L’Aston Martin de James Bond est la plus select. La Rolls Royce est le sommet du luxe. La Bugatti est hors de prix. Et pourtant, quoi que fasse la concurrence, le rêve automobile porte un nom, un seul : Ferrari ! Propriété du groupe Fiat depuis 1989 (ce qui fait de la Panda une cousine par alliance de la Dino), le constructeur italien est la référence en matière de supercar, cette élite du monde automobile. Il porte le nom de son fondateur, Enzo Ferrari, dit Il Commandatore (le “Commandeur”).
Originaire de Modène, comme l’authentique vinaigre balsamique (qui est à la cuisine ce que la F250 GTO est au monde automobile), cet ancien pilote de course a créé sa propre écurie en 1929. Il imagine à cette occasion son célèbre emblème : un cheval cabré sur fond jaune, l’une des deux couleurs du drapeau modénois. L’animal, lui, est un hommage à Francesco Baracca, l’as des as italien (mort au combat en juin 1918) qui faisait peindre sur chacun de ses appareils un petit étalon noir dressé sur ses jambes. « Ferrari, met sur tes machines le cavalino rampante de mon fils. Il te portera bonheur », lui avait promis un jour la Comtesse Paolina Baracca, la mère du défunt héros. Bien vu !
À l’époque, la Scuderia Ferrari fait rouler des Alfa Romeo. Et ses bolides sont écarlates ! Une livrée qui ne doit rien au goût personnel du Modénois. Non, elle tient, plus simplement, à un règlement qui sévit alors sur tous les circuits européens. Chaque nation a sa couleur. Bleu pour la France. Vert pour l’Angleterre. Jaune pour la Belgique. Blanc pour l’Allemagne jusqu’au jour où, dépassant le poids maximal autorisé de quelques kilos, Mercedes doit poncer la carrosserie de ses bolides pour gagner un peu de poids, mettant ainsi le métal à nu. La légende des Flèches d’argent était née !
Et l’Italie, dans tout cela ? Vous l’aurez deviné : elle a hérité du rouge. Un code couleur qui va perdurer jusqu’à la fin des années 60 et l’avènement du sponsoring. C’est ainsi que les premières Ferrari, construites dans les ateliers de Maranello dès 1947, vont triompher aux quatre coins du monde parées de cette robe rutilante. Et les passionnés d’automobile de l’associer alors définitivement à la marque italienne. Tant est si bien que le rouge est devenu la couleur préférée des Ferraristes. Et celle du Commandatore ? Oui et non…
40 NUANCES DE ROUGE
Mais la clientèle, elle, va très vite marquer sa préférence pour les carrosseries flamboyantes. Au début des années 70, le rouge fait ainsi jeu égal avec le bleu, chacune des deux livrées séduisant un acheteur sur quatre. Un quart de siècle plus tard, il terrasse toutes ses rivales, pesant pas moins de la moitié des ventes. Cela dit, si la majorité des Ferrari sont rouges, elles n’ont pas toutes la même couleur. Depuis le lancement de ses premières routières, le constructeur italien a utilisé en effet une quarantaine de nuances de rouge différentes ! Un point commun à tous : leur finition avec trois couches de vernis appliquées de telle façon que le rendu de la carrosserie change selon l’angle de vue et la luminosité.
Voilà pourquoi les Ferrari sont rouge vif, clair ou satiné, cerise, bordeaux, amarante ou rubis, monza, corsa, scuderia, maya ou roma. Bref, voilà pourquoi elles sont rosse. Et je ne sais pas vous, mais moi, de le savoir et de me dire que je vais mourir moins con (et le plus tard possible), quand bien même n’aurai-je jamais le privilège de conduire l’un de ces bolides incandescents, ça me ravit.
Ferrari 458 Spider : Toby Parsons, via Pixabay
Les roses rouges : Ricky Kharawala, via Unsplash
Francesco Baracca - Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=214368
Les larmes du vin : Joost Crop, via Unsplash
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Avec le rouge, on ne sait jamais sur quel pied danser ! C’est la couleur du sang. Celui qui coule dans nos veines porte la vie. Celui qui se répand dit la douleur et davantage. C’est la couleur du feu : on s’en approche, il vous réchauffe ; on s’en approche encore et il vous brûle. Le rouge, c’est la couleur du danger et celle des logos de Coca Cola, Netflix, H&M et Nintendo et l’on se dit que ce n’est peut-être pas un hasard !
Le rouge, c’est la couleur reine du vin, ce délice qui, à l’excès, se fait dérive. Le rouge, c’est le feu ou le stop qui arrête votre course, le sens interdit qui vous condamne si souvent le chemin le plus court. Mais quand il se pose sur les lèvres d’une femme ou qu’il teinte un fourreau à la Jessica Rabbit, il éveille les sens, libère le désir, fait naître un possible même si le chemin qui mène à sa conclusion peut être long et douloureux, voire sans issue !
Le rouge, c’est la couleur de la colère, cette mauvaise conseillère, de la muleta que le matador agite sous le nez du taureau pour le rendre furieux et, du même coup, fragile. Qui voit rouge ne voit plus ! Mais dans le même temps, c’est la couleur de l’amour, des roses que l’on offre pour le déclarer, des cœurs mièvres dont les boutiques décorent leurs vitrines à la veille de la Saint-Valentin, des traces d’un baiser qui restent sur votre cou ou qui déclenche le courroux — on y revient ! — de votre légitime quand elle les trouve sur le col de votre chemise.
Enfin, le rouge, c’est la couleur de la passion et ça, ça lui va bien. Parce que la passion nous fait vivre comme jamais et parfois souffrir à mourir. Parce qu’elle nous réchauffe et le cœur et les sens, qu’elle nous envoie ainsi au septième ciel, mais qu’à monter trop haut, à s‘approcher de trop près du feu sacré, on le sait depuis Icare, on finit par se brûler les ailes. Parce que le plaisir que nous en tirons est si grand qu’elle nous conduit à l’ivresse, cet état où nous ne nous appartenons plus. Parce qu’elle arrête tout ce qui n’est pas elle, tout ce qui n’est pas l’autre dans notre vie et nous entraîne trop souvent dans une impasse. Parce qu’elle est l’amour et le désir, la jalousie et l’aveuglement.
Et puis le rouge, c’est la couleur reine des Ferrari ! Et ça non plus, ce n’est peut-être pas un hasard…
ROSSA COME UN ITALIANA
La Porsche 911 est inimitable. L’Aston Martin de James Bond est la plus select. La Rolls Royce est le sommet du luxe. La Bugatti est hors de prix. Et pourtant, quoi que fasse la concurrence, le rêve automobile porte un nom, un seul : Ferrari ! Propriété du groupe Fiat depuis 1989 (ce qui fait de la Panda une cousine par alliance de la Dino), le constructeur italien est la référence en matière de supercar, cette élite du monde automobile. Il porte le nom de son fondateur, Enzo Ferrari, dit Il Commandatore (le “Commandeur”).
Originaire de Modène, comme l’authentique vinaigre balsamique (qui est à la cuisine ce que la F250 GTO est au monde automobile), cet ancien pilote de course a créé sa propre écurie en 1929. Il imagine à cette occasion son célèbre emblème : un cheval cabré sur fond jaune, l’une des deux couleurs du drapeau modénois. L’animal, lui, est un hommage à Francesco Baracca, l’as des as italien (mort au combat en juin 1918) qui faisait peindre sur chacun de ses appareils un petit étalon noir dressé sur ses jambes. « Ferrari, met sur tes machines le cavalino rampante de mon fils. Il te portera bonheur », lui avait promis un jour la Comtesse Paolina Baracca, la mère du défunt héros. Bien vu !
À l’époque, la Scuderia Ferrari fait rouler des Alfa Romeo. Et ses bolides sont écarlates ! Une livrée qui ne doit rien au goût personnel du Modénois. Non, elle tient, plus simplement, à un règlement qui sévit alors sur tous les circuits européens. Chaque nation a sa couleur. Bleu pour la France. Vert pour l’Angleterre. Jaune pour la Belgique. Blanc pour l’Allemagne jusqu’au jour où, dépassant le poids maximal autorisé de quelques kilos, Mercedes doit poncer la carrosserie de ses bolides pour gagner un peu de poids, mettant ainsi le métal à nu. La légende des Flèches d’argent était née !
Et l’Italie, dans tout cela ? Vous l’aurez deviné : elle a hérité du rouge. Un code couleur qui va perdurer jusqu’à la fin des années 60 et l’avènement du sponsoring. C’est ainsi que les premières Ferrari, construites dans les ateliers de Maranello dès 1947, vont triompher aux quatre coins du monde parées de cette robe rutilante. Et les passionnés d’automobile de l’associer alors définitivement à la marque italienne. Tant est si bien que le rouge est devenu la couleur préférée des Ferraristes. Et celle du Commandatore ? Oui et non…
40 NUANCES DE ROUGE
Mais la clientèle, elle, va très vite marquer sa préférence pour les carrosseries flamboyantes. Au début des années 70, le rouge fait ainsi jeu égal avec le bleu, chacune des deux livrées séduisant un acheteur sur quatre. Un quart de siècle plus tard, il terrasse toutes ses rivales, pesant pas moins de la moitié des ventes. Cela dit, si la majorité des Ferrari sont rouges, elles n’ont pas toutes la même couleur. Depuis le lancement de ses premières routières, le constructeur italien a utilisé en effet une quarantaine de nuances de rouge différentes ! Un point commun à tous : leur finition avec trois couches de vernis appliquées de telle façon que le rendu de la carrosserie change selon l’angle de vue et la luminosité.
Voilà pourquoi les Ferrari sont rouge vif, clair ou satiné, cerise, bordeaux, amarante ou rubis, monza, corsa, scuderia, maya ou roma. Bref, voilà pourquoi elles sont rosse. Et je ne sais pas vous, mais moi, de le savoir et de me dire que je vais mourir moins con (et le plus tard possible), quand bien même n’aurai-je jamais le privilège de conduire l’un de ces bolides incandescents, ça me ravit.
Ferrari 458 Spider : Toby Parsons, via Pixabay
Les roses rouges : Ricky Kharawala, via Unsplash
Francesco Baracca - Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=214368
Les larmes du vin : Joost Crop, via Unsplash