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Pourquoi le jeune marié porte sa moitié à l'heure de passer le seuil de leur domicile (ou de leur suite nuptiale) pour la première fois ?

Parce que la mariée est trop bourrée pour marcher droit ? Pas du tout. Quoi que ! Certaines n'abusent pas que de la pièce montée le soir de leurs noces. Pour autant, l'explication est à chercher ailleurs. Dans un passé lointain, à l'aube de ce qui deviendra l'Empire romain...
S’il est un univers où les traditions tiennent encore bon, c’est bien celui du mariage. Certes, les Français boudent ce dernier toujours plus nombreux d’année en année. Au point qu’en 2016, les maires de l’Hexagone n’ont prononcé que 232 725 unions exactement contre 305 000 en l’an 2000. Mais quand ils se marient, nos compatriotes y mettent les formes, ne négligeant aucun rituel. Enfin, presque !

Adieu la soupe à l’oignon ! Servi traditionnellement en fin de soirée pour revigorer le beau-père éreinté par quatre Danses des canards et deux YMCA, le potage que l’on dit inventé par Louis XV n’a plus vraiment la côte. Même sort funeste pour la vente aux enchères de la jarretière de la mariée, une tradition tout aussi gratinée que la précédente, mais bien moins redoutable pour l’haleine. Aujourd’hui, rares sont les dames à monnayer leur pudeur en dévoilant ce ruban coquin accroché au haut de leurs cuisses. Elles préfèrent soulager l’assemblée de quelques billets durement gagnés en organisant une tombola ou, encore plus simplement, en confiant le soin à deux gamines angéliques de passer de table en table avec une corbeille en osier bien serrée dans leurs petites menottes potelées.

« LE PREMIER HOMME QUI S'EST MARIÉ, MON DIEU, IL N'Y A RIEN À LUI DIRE : IL NE SAVAIT PAS. MAIS, VRAIMENT, LE DEUXIÈME EST INEXCUSABLE ! »

Sacha Guitry
Mais ce sont là les exceptions qui confirment la règle ! Car le reste du folklore nuptial, lui, ne prend pas une ride. Le lancer de riz arrondit encore les fins de mois de l’oncle Ben’s. Les enterrements de vie de garçon et de jeune fille font toujours la fortune des spas hexagonaux et des lupanars de la Jonquera ou de ceux, nettement plus tendance, de Budapest. Les mâles jouent gaiement du klaxon entre l’église et le buffet et les Bridget Jones du monde entier s’arrachent le bouquet de la mariée. 

Celle-ci, de son côté, porte fréquemment sur elle un accessoire ancien, un neuf, un bleu et un emprunté, symboles respectifs du lien familial, de la réussite, de la fidélité et de la chance. Veuillez noter au passage que le string azur de la meilleure copine remplit à lui-seul les trois quarts de ces obligations. Pour autant, un rapide sondage auprès des femmes mariées de mon entourage me permet d'affirmer qu'il est rarement de mise. Pour ne pas dire jamais ! Comme quoi, les femmes manquent vraiment de pragmatisme et d'efficacité !

ILS SONT FOUS, CES ROMAINS !

Ultime figure imposée : le porté. Si l’exercice peut s’avérer périlleux après quelques coupes d’un mauvais champagne, les hommes y consentent toujours de bonne grâce, ravis de faire valoir leurs biscoteaux à une heure tardive de la nuit en soulevant leur moitié pour lui faire passer le pas de la porte et, par la même occasion, quand, invariablement, elle se cogne le crâne sur le chambranle, le goût des traditions idiotes.

D’où vient celle-ci ? De la lointaine Antiquité, les Romains, les premiers, souscrivant à cette pratique quand bien même faisait-elle écho, si l’on en croit de très nombreux historiens, à un épisode peu glorieux de leur passé : l’enlèvement des Sabines. Il intervient au lendemain de la fondation de Rome qui, comme chacun le sait, eut lieu le 21 avril 753 avant Jésus Christ. La ville voulue par Romulus attire alors principalement des hommes, vagabonds ou esclaves en fuite. Comprenant très vite que cette virilité, davantage encore que l’absence de véhicules électriques, ne favorise pas vraiment un développement durable de sa toute jeune cité, son fondateur se met en tête de marier ses protégés le plus vite possible.
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Hélas, trois fois hélas, Meetic n’existe pas encore et les approches romaines ne suscitent guère l’enthousiasme des cités des alentours qui ont le plus grand mal à imaginer le gendre idéal parmi ce qui n’est encore à leurs yeux qu’une bande de vauriens. Qu’à cela ne tienne ! Puisqu’il est vrai que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, Romulus et les siens vont profiter d’une fête donnée en présence des Sabins, leurs voisins, pour enlever tout ce qui porte jupons. Qui dans ses bras, qui sur son épaule, tous de trimbaler aussitôt leur charmant larcin jusque chez eux où un bon viol, à défaut de consentement mutuel, va sceller l’union des deux époux.

Voilà pourquoi, de nos jours comme il y a près de trois mille ans, le marié arrache sa femme aux planchers des vaches pour la mener jusqu’à son lit où, il faut l’espérer, elle se sentira bien plus comblée qu’une Sabine. Et je ne sais pas pour vous, mais moi, rien que de le savoir et de me dire que je vais mourir en vieux garçon, mais moins con (et le plus tard possible), ça me ravit.
Illustration : Nicolas Poussin, L'Enlèvement des Sabines (1634-1635)
Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=157611
Et puisqu'il se dit qu'en France, tout se termine par une chanson, je vous offre celle-là :

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S’il est un univers où les traditions tiennent encore bon, c’est bien celui du mariage. Certes, les Français boudent ce dernier toujours plus nombreux d’année en année. Au point qu’en 2016, les maires de l’Hexagone n’ont prononcé que 232 725 unions exactement contre 305 000 en l’an 2000. Mais quand ils se marient, nos compatriotes y mettent les formes, ne négligeant aucun rituel. Enfin, presque !

Adieu la soupe à l’oignon ! Servi traditionnellement en fin de soirée pour revigorer le beau-père éreinté par quatre Danses des canards et deux YMCA, le potage que l’on dit inventé par Louis XV n’a plus vraiment la côte. Même sort funeste pour la vente aux enchères de la jarretière de la mariée, une tradition tout aussi gratinée que la précédente, mais bien moins redoutable pour l’haleine. Aujourd’hui, rares sont les dames à monnayer leur pudeur en dévoilant ce ruban coquin accroché au haut de leurs cuisses. Elles préfèrent soulager l’assemblée de quelques billets durement gagnés en organisant une tombola ou, encore plus simplement, en confiant le soin à deux gamines angéliques de passer de table en table avec une corbeille en osier bien serrée dans leurs petites menottes potelées.

« LE PREMIER HOMME QUI S'EST MARIÉ, MON DIEU, IL N'Y A RIEN À LUI DIRE : IL NE SAVAIT PAS. MAIS, VRAIMENT, LE DEUXIÈME EST INEXCUSABLE ! »

Sacha Guitry
Mais ce sont là les exceptions qui confirment la règle ! Car le reste du folklore nuptial, lui, ne prend pas une ride. Le lancer de riz arrondit encore les fins de mois de l’oncle Ben’s. Les enterrements de vie de garçon et de jeune fille font toujours la fortune des spas hexagonaux et des lupanars de la Jonquera ou de ceux, nettement plus tendance, de Budapest. Les mâles jouent gaiement du klaxon entre l’église et le buffet et les Bridget Jones du monde entier s’arrachent le bouquet de la mariée. 

Celle-ci, de son côté, porte fréquemment sur elle un accessoire ancien, un neuf, un bleu et un emprunté, symboles respectifs du lien familial, de la réussite, de la fidélité et de la chance. Veuillez noter au passage que le string azur de la meilleure copine remplit à lui-seul les trois quarts de ces obligations. Pour autant, un rapide sondage auprès des femmes mariées de mon entourage me permet d'affirmer qu'il est rarement de mise. Pour ne pas dire jamais ! Comme quoi, les femmes manquent vraiment de pragmatisme et d'efficacité !

ILS SONT FOUS, CES ROMAINS !

Ultime figure imposée : le porté. Si l’exercice peut s’avérer périlleux après quelques coupes d’un mauvais champagne, les hommes y consentent toujours de bonne grâce, ravis de faire valoir leurs biscoteaux à une heure tardive de la nuit en soulevant leur moitié pour lui faire passer le pas de la porte et, par la même occasion, quand, invariablement, elle se cogne le crâne sur le chambranle, le goût des traditions idiotes.

D’où vient celle-ci ? De la lointaine Antiquité, les Romains, les premiers, souscrivant à cette pratique quand bien même faisait-elle écho, si l’on en croit de très nombreux historiens, à un épisode peu glorieux de leur passé : l’enlèvement des Sabines. Il intervient au lendemain de la fondation de Rome qui, comme chacun le sait, eut lieu le 21 avril 753 avant Jésus Christ. La ville voulue par Romulus attire alors principalement des hommes, vagabonds ou esclaves en fuite. Comprenant très vite que cette virilité, davantage encore que l’absence de véhicules électriques, ne favorise pas vraiment un développement durable de sa toute jeune cité, son fondateur se met en tête de marier ses protégés le plus vite possible.
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Hélas, trois fois hélas, Meetic n’existe pas encore et les approches romaines ne suscitent guère l’enthousiasme des cités des alentours qui ont le plus grand mal à imaginer le gendre idéal parmi ce qui n’est encore à leurs yeux qu’une bande de vauriens. Qu’à cela ne tienne ! Puisqu’il est vrai que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, Romulus et les siens vont profiter d’une fête donnée en présence des Sabins, leurs voisins, pour enlever tout ce qui porte jupons. Qui dans ses bras, qui sur son épaule, tous de trimbaler aussitôt leur charmant larcin jusque chez eux où un bon viol, à défaut de consentement mutuel, va sceller l’union des deux époux.

Voilà pourquoi, de nos jours comme il y a près de trois mille ans, le marié arrache sa femme aux planchers des vaches pour la mener jusqu’à son lit où, il faut l’espérer, elle se sentira bien plus comblée qu’une Sabine. Et je ne sais pas pour vous, mais moi, rien que de le savoir et de me dire que je vais mourir en vieux garçon, mais moins con (et le plus tard possible), ça me ravit.
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