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Pourquoi Rockollection (de Laurent Voulzy) est une chanson qui dure ?

C’est le premier succès de Laurent Voulzy. Et le plus long aussi. À quarante ans passés, cette ballade pop nourrie au rock des années 60 n'a pas pris une ride. Normal pour une chanson qui, dès sa naissance, nous parlait du passé et des états d'âme perpétuels de la jeunesse.
Il y a des chanteurs qui, sans que nous en soyons spécialement fans, sans même que nous ayons jamais acheté un de leurs albums, et sans que nous nous en rendions vraiment compte, ont régulièrement glissé leurs chansons dans la bande originale de nos vies. Laurent Voulzy est de ceux-là. Depuis un demi-siècle, ce Parisien d’origine antillaise, « né dans le gris par accident », a nourri nos étés, nos histoires d’amour et, parfois, les chagrins qui les suivent, de ses chansons tout en délicatesse, pleines de chaleur, de poésie et de tendresse.

Que l’on soit un bon vieux rocker ou une ménagère de moins de cinquante ans, que l’on ne manque jamais une édition du Festival d’Angoulême ou un millésime du Goncourt, que l’on vienne de Lille ou des îles, on a tous dans le cœur les riffs et la voix claire du fan français number one de Kim Wilde. Son Cœur grenadine a ainsi fait battre les nôtres quand, s’échappant du transistor ou de l’autoradio, cette mélodie suave mettait du soleil jusque dans nos cuisines, jusque dans les bouchons. Quant au Rêve du Pêcheur, lequel d’entre vous, je vous le demande, ne l’a jamais fait : « être heureux sur un bateau, vivre d'amour et d'eau fraîche, être meilleur aussi, être ailleurs qu’ici » ?

Et Voulzy chantait un truc qui nous colle encore au cœur et au corps : Bubble star, Le soleil donne, Karine Redinger, Le pouvoir des fleurs, Belle-Île-En-Mer, Marie Galante… Une longue série de tubes entamée durant le printemps 1977 avec une chanson « juke box », joyeusement nostalgique : l’inusable Rockollection.

DIX SUCCÈS QUI FONT UN TUBE

Pour Laurent Voulzy, il y a un avant et un après Rockollection. Après, il y a six albums studio à peine, mais une pléiade de hits. Avant, il y a cinq 45 tours infructueux. En 1972, il sort le premier : L’amour est un oiseau. Un flop. Il insiste cependant, revenant tenter sa chance chaque année, tel un métronome, avec une nouvelle chanson. Le millésime 76, intitulé Les radios qui chantent, totalise par exemple 540 ventes. D’autres se seraient résignés. Le Parisien non. Encouragé par les succès de J’ai dix ans et de Bidon, deux titres qu’il a composés pour un certain Alain Souchon, jeune auteur interprète qu’il a rencontré par l’entremise du label RCA, il persiste et signe avec un sixième vinyle sorti — la bonne blague ! — le 1er avril 1977. Et cette fois, le public va mordre à l'hameçon !

Son nouveau compère en a écrit les paroles, inventant une histoire autour de la nostalgie des années lycée. Il y est question de queue de cheval, de scooter, de jupe plissée et de congés payés. En un mot : des Sixties. Pour mettre tous ces mots en musique, Laurent Voulzy ressort une mélodie qu’il avait composé sous le nom de Thriller pour Ann Sheridan, une artiste américaine qui n’a finalement jamais sorti le disque. Entre chaque couplet, il glisse la reprise de l’un des titres qui ont bercé son adolescence : A hard day’s night des Beatles, I get around des Beach Boys ou encore Satisfaction des Rolling Stones.

« LE ROCK EST ÉNORMÉMENT FAIT DE SOUVENIRS, DES TRUCS

DONT ON SE SOUVIENT ET QU'ON ASSOCIE À DES CHANSONS...

COMME BAISER SUR LA BANQUETTE ARRIÈRE AVEC

“SATISFACTION” À FOND SUR L'AUTO-RADIO ! »

Keith Richards

Le résultat plaît tellement au producteur des deux artistes qu’il les convainc de rallonger la sauce. Alain Souchon ajoute quatre couplets aux cinq initiaux tandis que Laurent Voulzy assaisonne le tout de dix standards du rock. La longueur de la chanson s’en ressent : 11 minutes et 45 secondes. Une éternité pour l’époque ! Le disque est néanmoins mis sous presse. Souchon a un titre en tête : il propose Recollection, un mot anglais qui signifie « réminiscence ». Une connassance du duo surenchérit alors : « Et pourquoi pas Rockcollection ? ». Alea jacta est ! C’est sous cet intitulé qu'après un mois et demi de studio (un record de lenteur pour un 45 tours de l'époque), le disque voit finalement le jour.

UN PASSÉ SANS CESSE RÉINVENTÉ

Rockollection connaît d’emblée une réussite foudroyante ! En quelques semaines, le titre s’impose comme le phénomène musical du moment. Il truste la tête de tous les hits parades hexagonaux. Il s’impose en Italie, en Allemagne, en Suisse, en Suède et jusqu’au Canada. Il part à la conquête de l’Amérique du Sud dans une version en espagnol où Guantanamera remplace Gloria. Au final, il s’écoule à cinq millions d’exemplaires. D’un coup, Laurent Voulzy accède à la célébrité. Mais pas à la fortune ! Parce que le chanteur et sa maison de disque ont omis de créditer les auteurs des dix reprises, les recettes du disque sont bloquées par la Justice pendant plus de trois ans. Pour la version commercialisée aux USA, Voulzy est même obligé de retirer purement et simplement Mr Tambourine Man de Bob Dylan.
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Le titre n’en continue pas moins sa route. Les années passent et la nostalgie voulzienne ne prend pas une ride. D’autant que l’artiste l’entretient avec soin, régalant son public de versions live taille XXL : 18 minutes et 20 secondes lors du Voulzy Tour de 93, et 21 minutes et 33 secondes pour le Gothique Flamboyant Pop Dancing Tour, dix ans plus tard. En 2008, Laurent Voulzy s’offre même un lifting en studio pour son album Recollection. Rockcollection 008 compte pas moins de vingt-deux reprises dont une – surprise ! – d’un artiste français : L’amour avec toi de Michel Polnareff. Avec une durée de dix-neuf minutes, le clip qui accompagne la sortie de la chanson est le plus long jamais produit en France. Un record de plus !

Voilà pourquoi Rockollection ne sera jamais une chanson comme les autres. Parce qu’elle visite le meilleur du rock et célèbre avec talent ses légendes. Parce qu’elle fait revivre pendant de longues minutes qui ne seront jamais assez longues, ces époques dorées, sans doute cristallisées, que sont les années soixante et soixante-dix. Parce qu’elle dit la jeunesse et pas seulement celles des baby-boomers et de la Génération X, vu que les bonheurs, les chagrins et les galères des années lycée et des vacances d’été sont et resteront toujours l’une des choses les mieux partagées au monde ! Et je ne sais pas pour vous, mais moi, de le savoir et de me dire que je vais mourir moins con (et le plus tard possible) pour rejoindre Janis Joplin, John Lennon, Elvis Presley, Bon Scott, Michael Hutchence et Amy Winehouse, ma rockollection à moi, ça me ravit !

Crédit photo :
Le bac de disques :
Markus Spiske, via Unsplash
Le juke-box : Blitzmaerker, via Pixabay
Et puisqu'il se dit qu'en France, tout se termine en chanson, je vous offre celle-là... Un pur moment de nostalgie !
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C’est le premier succès de Laurent Voulzy. Et le plus long aussi. À quarante ans passés, cette ballade pop nourrie au rock des années 60 n'a pas pris une ride. Normal pour une chanson qui, dès sa naissance, nous parlait du passé et des états d'âme perpétuels de la jeunesse.
Il y a des chanteurs qui, sans que nous en soyons spécialement fans, sans même que nous ayons jamais acheté un de leurs albums, et sans que nous nous en rendions vraiment compte, ont régulièrement glissé leurs chansons dans la bande originale de nos vies. Laurent Voulzy est de ceux-là. Depuis un demi-siècle, ce Parisien d’origine antillaise, « né dans le gris par accident », a nourri nos étés, nos histoires d’amour et, parfois, les chagrins qui les suivent, de ses chansons tout en délicatesse, pleines de chaleur, de poésie et de tendresse.

Que l’on soit un bon vieux rocker ou une ménagère de moins de cinquante ans, que l’on ne manque jamais une édition du Festival d’Angoulême ou un millésime du Goncourt, que l’on vienne de Lille ou des îles, on a tous dans le cœur les riffs et la voix claire du fan français number one de Kim Wilde. Son Cœur grenadine a ainsi fait battre les nôtres quand, s’échappant du transistor ou de l’autoradio, cette mélodie suave mettait du soleil jusque dans nos cuisines, jusque dans les bouchons. Quant au Rêve du Pêcheur, lequel d’entre vous, je vous le demande, ne l’a jamais fait : « être heureux sur un bateau, vivre d'amour et d'eau fraîche, être meilleur aussi, être ailleurs qu’ici » ?

Et Laurent Voulzy chantait un truc qui nous colle encore au cœur et au corps : Bubble star, Le soleil donne, Karine Redinger, Le pouvoir des fleurs, Belle-Île-En-Mer, Marie Galante… Une longue série de tubes entamée durant le printemps 1977 avec une chanson « juke box », joyeusement nostalgique : l’inusable Rockollection.

DIX SUCCÈS
QUI FONT UN TUBE

Pour Laurent Voulzy, il y a un avant et un après Rockollection. Après, il y a six albums studio à peine, mais une pléiade de hits. Avant, il y a cinq 45 tours infructueux. En 1972, il sort le premier : L’amour est un oiseau. Un flop. Il insiste cependant, revenant tenter sa chance chaque année, tel un métronome, avec une nouvelle chanson. Le millésime 76, intitulé Les radios qui chantent, totalise par exemple 540 ventes. D’autres se seraient résignés. Le Parisien non. Encouragé par les succès de J’ai dix ans et de Bidon, deux titres qu’il a composés pour un certain Alain Souchon, jeune auteur interprète qu’il a rencontré par l’entremise du label RCA, il persiste et signe avec un sixième vinyle sorti — la bonne blague ! — le 1er avril 1977. Et cette fois, le public va mordre à l'hameçon !

Son nouveau compère en a écrit les paroles, inventant une histoire autour de la nostalgie des années lycée. Il y est question de queue de cheval, de scooter, de jupe plissée et de congés payés. En un mot : des Sixties. Pour mettre tous ces mots en musique, Laurent Voulzy ressort une mélodie qu’il avait composé sous le nom de Thriller pour Ann Sheridan, une artiste américaine qui n’a finalement jamais sorti le disque. Entre chaque couplet, il glisse la reprise de l’un des titres qui ont bercé son adolescence : A hard day’s night des Beatles, I get around des Beach Boys ou encore Satisfaction des Rolling Stones.

« LE ROCK EST ÉNORMÉMENT FAIT DE SOUVENIRS, DES TRUCS
DONT ON SE SOUVIENT ET QU'ON ASSOCIE À DES CHANSONS...
COMME BAISER SUR LA BANQUETTE ARRIÈRE AVEC
“SATISFACTION” À FOND SUR L'AUTO-RADIO ! »

Keith Richards

Le résultat plaît tellement au producteur des deux artistes qu’il les convainc de rallonger la sauce. Alain Souchon ajoute quatre couplets aux cinq initiaux tandis que Laurent Voulzy assaisonne le tout de dix standards du rock. La longueur de la chanson s’en ressent : 11 minutes et 45 secondes. Une éternité pour l’époque ! Le disque est néanmoins mis sous presse. Souchon a un titre en tête : il propose Recollection, un mot anglais qui signifie « réminiscence ». Une connassance du duo surenchérit alors : « Et pourquoi pas Rockcollection ? ». Alea jacta est ! C’est sous cet intitulé qu'après un mois et demi de studio (un record de lenteur pour un 45 tours de l'époque), le disque voit finalement le jour.

UN PASSÉ SANS
CESSE RÉINVENTÉ

Rockollection connaît d’emblée une réussite foudroyante ! En quelques semaines, le titre s’impose comme le phénomène musical du moment. Il truste la tête de tous les hits parades hexagonaux. Il s’impose en Italie, en Allemagne, en Suisse, en Suède et jusqu’au Canada. Il part à la conquête de l’Amérique du Sud dans une version en espagnol où Guantanamera remplace Gloria. Au final, il s’écoule à cinq millions d’exemplaires. D’un coup, Laurent Voulzy accède à la célébrité. Mais pas à la fortune ! Parce que le chanteur et sa maison de disque ont omis de créditer les auteurs des dix reprises, les recettes du disque sont bloquées par la Justice pendant plus de trois ans. Pour la version commercialisée aux USA, Voulzy est même obligé de retirer purement et simplement Mr Tambourine Man de Bob Dylan.
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Le titre n’en continue pas moins sa route. Les années passent et la nostalgie voulzienne ne prend pas une ride. D’autant que l’artiste l’entretient avec soin, régalant son public de versions live taille XXL : 18 minutes et 20 secondes lors du Voulzy Tour de 93, et 21 minutes et 33 secondes pour le Gothique Flamboyant Pop Dancing Tour, dix ans plus tard. En 2008, Laurent Voulzy s’offre même un lifting en studio pour son album Recollection. Rockcollection 008 compte pas moins de vingt-deux reprises dont une – surprise ! – d’un artiste français : L’amour avec toi de Michel Polnareff. Avec une durée de dix-neuf minutes, le clip qui accompagne la sortie de la chanson est le plus long jamais produit en France. Un record de plus !

Voilà pourquoi Rockollection ne sera jamais une chanson comme les autres. Parce qu’elle visite le meilleur du rock et célèbre avec talent ses légendes. Parce qu’elle fait revivre pendant de longues minutes qui ne seront jamais assez longues, ces époques dorées, sans doute cristallisées, que sont les années soixante et soixante-dix. Parce qu’elle dit la jeunesse et pas seulement celles des baby-boomers et de la Génération X, vu que les bonheurs, les chagrins et les galères des années lycée et des vacances d’été sont et resteront toujours l’une des choses les mieux partagées au monde ! Et je ne sais pas pour vous, mais moi, de le savoir et de me dire que je vais mourir moins con (et le plus tard possible) pour rejoindre Janis Joplin, John Lennon, Elvis Presley, Bon Scott, Michael Hutchence et Amy Winehouse, ma rockollection à moi, ça me ravit !

Crédit photo :
Le bac de disques :
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