Image

Pourquoi ne vivons-nous pas (toujours) tout nus ?

« Tout nu et tout bronzé, on est bien, on est beau quand revient l'été... » Quand Carlos le chante, avec la bonhommie qu'on lui connait, ça nous fait bien marrer. Mais quand il s'agit de tout quitter pour de vrai, là, ce n'est plus du tout la même limonade. Le rire se fait jaune.

Dans ce beau pays qu’est la France, il est moins risqué de se balader avec un petit sachet de cocaïne dans la poche qu’avec les fesses à l’air. Certes, dans les deux cas, on se trouve face à un délit pénal sanctionné par une peine d’un an d’emprisonnement. Mais, alors que la détention de stupéfiants ne vaut à son auteur qu’une prune maximale de 3750 euros, celle prévue pour un attentat à la pudeur peut atteindre, selon l’article 222-32 du Code pénal, le quadruple. Le genre d’amende qui vous dissuade de sortir vos noix !

Vous vous pensez à l’abri d’une telle condamnation ? En êtes-vous certain(e) ? Vous balader dans le plus simple appareil chez vous, dans votre salon, sur votre terrasse, dans votre jardin ou bien encore au bord de votre piscine, vous rend en effet coupable aux yeux de la loi d’une exhibition sexuelle dès lors qu’un voisin ou un passant est susceptible de vous apercevoir. Pour vivre nus, vivons cachés. Derrière des rideaux, un mur, une palissade ou une haie aussi touffue que les aisselles d’une mamma napolitaine. Que ma voisine se rassure néanmoins : je n’ai pas l’âme d’un collabo, pas plus que la plume d’un corbeau ; elle peut donc continuer de bronzer tranquille sur son balcon. Ce n'est pas moi qui la dénoncerai.

COUVRE-TOI ; IL FAIT FROID !

Quand bien même la justice se montrerait plus clémente envers le nu intégral, il est à parier que seule une infime partie d’entre-nous tomberait alors le kangourou ou la culotte pour se rendre au supermarché, au bureau, au ciné ou au Bal de la Croix Rouge, ce grand gala monégasque qui, chaque année, renvoie l’homme (riche) à l’âge de pierre (précieuse). Il n’y a guère que chez les peuples premiers, comme les appellent les lecteurs du National Geographic, que l’on se balade dans l’état de nature. Et encore, tous les sauvages, comme disent les clients du bar-tabac de mon village (et pas qu’eux), ne sont pas logés à la même enseigne. Pagnes, étuis pelviens et autres cache-sexes masquent les attributs d’un grand nombre d’entre-eux. Il faut ainsi aller au fin fond de  l’Amazonie, au pays des indiens Huaoranis, pour trouver des hommes et des femmes qui vivent encore le cul nu comme nos lointains ancêtres ou, si l’on est créationniste, tels Adam et Ève au paradis.

À l’origine, l’Humanité n’était guère différente du reste du règne animal. Elle vivait et mourait comme elle naissait : sans rien dessus. Il faut dire qu’à l’époque, la fourrure était déjà du dernier chic. Nul besoin pour autant d’élever des milliers de visons dans des conditions parfaitement ignobles (à part ça, c’est l’indien Huaoranis le sauvage !). Non, Lucy et compagnie étaient en effet des plus velus et leur pilosité abondante suffisait largement à leur confort. Oui, mais voilà : il y a 1,7 millions d’années, en même temps qu’il s’est dressé sur ses jambes, l’Homme s’est senti pousser des ailes. C’est ainsi qu’il a quitté ses forêts originelles pour folâtrer dans la savane. Or, le soleil tape dur dans les plaines d’Afrique. Du coup, le système pileux de nos aïeux, homo habilis , homos ergaster et autres homo antecessor, a évolué. Leur pelage s’est peu à peu éclairci et les poils ont désépaissi sans pour autant complètement disparaître. Au grand bonheur des esthéticiennes, de l’américain King Camp Gillette et des actionnaires passés et présents de la société qu’il a fondé à Boston en 1901, chacun de nous en compte encore cinq millions en moyenne !


Descendant de l’homo ergaster, Néandertal allait donc à poil, mais sans poils ! Et, telle la cigale de La Fontaine, il s’est trouvé fort dépourvu quand la bise fut venue. C’était cent-dix mille ans avant notre ère, à l’heure de la dernière période glaciaire. L’Homme des cavernes grelottait alors d’autant plus que le gaillard avait fait du chemin, quittant l’Afrique pour essaimer sous le climat bien plus frisquet d’une Europe où l’irruption de tout un tas de migrants ne faisait pas encore le lit de l’Extrême-Droite.

Du coup, comme il avait oublié d’être bête ou, tout au moins, qu’il ne l’était plus complètement, Néanderthal a fait comme tout célibataire un samedi soir : il est sorti couvert. Au fil des millénaires, les peaux de bête brutes qui le réchauffaient à l’occasion ont gagné en sophistication. Inventant des outils toujours plus complexes, tels que les racloirs, les grattoirs ou bien encore les lissoirs qui, frottés contre la peau, en amélioraient le confort, la souplesse et l’étanchéité, l’homo neanderthalensis a façonné les premiers vêtements. Mais c’est à l’un de ses cousins, le denisovien, que l’on attribue aujourd’hui l’invention qui va faire progresser la mode mieux que Coco Chanel et Karl Lagerfeld réunis : la première aiguille à chas, apparue il y 45000 ans, non pas à Milan ou à Paris, mais dans les toundras de la Sibérie. 

Image

C’est donc pour lutter contre le froid que l’homme s’est habillé. Pour autant, comme tout un chacun peut le constater, ni le réchauffement climatique, ni les canicules estivales ne modifient son comportement. À l’exception de quelques plages, de Montalivet au Cap d’Agde, des Baléares aux Caraïbes, de la Croatie aux Canaries, le monde reste résolument textile. Il le doit à un sentiment très largement partagé : la pudeur. Elle n’a rien d’instinctif. On ne naît pas pudique ; on le devient en nous confrontant aux regards des autres et en nous confortant aux us et coutumes de nos parents. C’est pour cela que, selon les époques, les pays et, tout simplement, le contexte social et familial, la pudeur est une vertu très fluctuante d’un individu à l’autre.

AVEC DES HARDES, C'EST MOINS HARD !

La pudeur n’a rien d‘une délicatesse, d’une coquetterie, d’une timidité. C’est une protection, une barrière fragile, mais efficace contre la prédation sexuelle. Retournons dans la nuit des temps… Dès lors que la météo l’autorise, l’homme préhistorique n’éprouve aucune gêne à gambader, ses attributs virils offerts aux quatre vents. Miss Paléolithique en fait de même, jusqu’à ce qu’elle comprenne que, si elle veut vivre en paix, il lui faut cacher ce sein que je ne saurais voir et bien davantage. C’est que son mâle, tout descendant du singe qu’il est, se révèle être un véritable cochon.

« MAIS N'TE PROMÈNE DONC PAS TOUTE NUE ! »

Georges Feydeau

Vous allez me dire que ces temps de sauvagerie sont révolus, que le petit chaperon rouge d’avoir pris un bon coup de soleil, peut aujourd’hui se promener à demi-nu sur une plage sans pour autant qu’une meute de loups enragés ne le dévore tout cru. C’est oublier un peu vite que #denoncetonporc, on ne l’a pas découvert gravé entre deux mammouths sur les murs de Lascaux. Emmenez n’importe quel hétéro de plus de 15 ans dans un strip bar de Las Vegas et vous verrez qu’il ne se maîtrise pas davantage qu’un gamin de cinq ans devant un paquet de Tagada. Une concupiscence qui me laisse penser qu’en jouant aujourd’hui encore un rôle essentiel dans l’harmonie de notre société, la pudeur a encore de beaux jours devant elle et que le temps où nous flâneront le cul nu n’est pas encore venu.

PLUS QUE NU, TRANSPARENT

Quand bien même la gente masculine promettrait d’être sage ou, scénario bien plus crédible, disparaîtrait de la surface de la Terre, terrassée par un virus féministe, il n’est pas sûr que le nudisme deviennent pour autant la norme. C’est qu’outre le froid et la pudeur, il est un troisième facteur qui nous encourage à nous vêtir : l’égo. La nudité est une épreuve de vérité que peu d’entre-nous se sent vraiment d’affronter. Déjà, parce l’habit, plus encore que le rire, est le propre de l’homme civilisé. Il faut être un petit enfant, un sauvage, un animal ou, pire, un Anglais plein de bière, pour montrer son derrière. Ensuite, parce que le vêtement est le plus commun de nos vernis : il nous protège, certes, mais il nous fait également briller. Par la matière, sa marque ou son style, il affiche notre réussite, notre mode de vie, ce que l’on veut être ou bien paraître. La cravate fait le cadre et le coton la bobo. À poil, en revanche, difficile de tricher ou de se la jouer.

« LA PREMIÈRE FOIS QUE J'AI VU UNE FEMME NUE,
J'AI CRU QUE C'ÉTAIT UNE ERREUR. »

Woody Allen

L’expérience est d’autant plus traumatisante que rares sont ceux qui sont totalement fiers de leur corps. Au mieux, on l’assume. Et encore ! Cela devient de plus en plus difficile vu que la presse, la mode, le cinéma et, à présent, Instagram nous abreuvent à longueur de temps de corps qui, tout en étant fort désirables, ne doivent leur perfection qu’au silicone et aux lignes de code de Photoshop. Face à ces modèles illusoires, il est de plus en plus difficile de dévoiler ses petits défauts charnels, son gras du bide, sa cellulite, ses vergetures, ses fesses plates, ses épaules poilus, ses seins tombants, sa petite bite ou bien encore cette culotte bien plus embarrassante que la gaine de Bridget Jones : la culotte de cheval. C’est tellement vrai que, selon un sondage réalisé pour l’entreprise de prêt-à-porter Björn Borg (du nom du célèbre tennisman suédois), plus d’un Français sur deux et deux Anglais sur trois préfèrent faire l’amour dans le noir complet. La sensualité de la chose l’explique sans doute, tout comme nos complexes !

Image

Notre nudité nous fait honte et c’est bien dommage. Car, aussi imparfaite soit-elle, elle reste belle ou, du moins, attendrissante. Elle est un don que l’on fait à celui ou celle qu’on aime et les linges dont on la pare ne sont jamais que du papier cadeau. Et puis, vivre nu nous fait du bien. Sans même qu’il leur soit nécessaire de s’agiter, deux corps nus cohabitant dans un même lit produisent naturellement de l’ocytocine, l’hormone anti-stress. Célibataire ? Au diable le pyjama, vive le naturel. Le corps respire, transpire juste ce qu’il faut et le sommeil n’en est que meilleur. Frileux, frileuse ? Tant pis, c’est pour la bonne cause. Quand le corps a froid, il brûle davantage de calories. Et de jour, c’est pareil : déambuler chez soi dans le plus simple appareil réactive la circulation sanguine et améliore la qualité de votre peau. Enfin, vivre nu, rien qu’un peu, c’est affronter sa vulnérabilité et souvent, passé le vertige des premières minutes, c’est dépasser ses peurs et ses complexes et découvrir alors l’innocence et le bien-être qu’ils occultaient. On ne s’en sent que plus fort, une fois rhabillé.

Voilà pourquoi, même si nous avons d’excellentes raisons de ne pas vivre (toujours) tout nu, il peut être bon de l’oser parfois, seul, à deux ou dans une foule anonyme, chez soi, dans son lit ou son salon, sur un transat dans le jardin ou sur une plage. Cela ne fait pas forcément de nous des sauvages, des proies ou des pervers. Juste des gens mieux dans leur peau, mieux dans leur tête. Et je ne sais pas vous, mais moi, de le savoir et de me dire que je vais mourir moins con (et le plus tard possible) pour finir à six pieds sous terre, nu comme le ver dont je serai le quatre heures, ça me ravit.

Crédits photo :
Nu — Pixabay
Néandertal : Crawford Jolly, via Unsplash
Mère et fils
- Céu Albuquerque, via Pexels
Et puisqu'il se dit qu'en France, tout se termine par une chanson, je vous offre celle-là :
Image
Cliquez sur la photo pour l'agrandir.
Image

À lire aussi...

Image
Pourquoi les femmes s’expriment bruyamment pendant l’amour (même quand il est tard) ?
Image
Pourquoi Bernard Hinault est surnommé le Blaireau (et Laura Flessel la Guêpe) ?
Image
Pourquoi la Terre est ronde (mais pas tout à fait) ?
Image
Pourquoi les Anglais conduisent à gauche (et les Japonais aussi) ?
Image
Image

Pourquoi ne vivons-nous pas (toujours) tout nus ?

« Tout nu et tout bronzé, on est bien, on est beau quand revient l'été... » Quand Carlos le chante, avec la bonhommie qu'on lui connait, ça nous fait bien marrer. Mais quand il s'agit de tout quitter pour de vrai, là, ce n'est plus du tout la même limonade. Le rire se fait jaune.

Dans ce beau pays qu’est la France, il est moins risqué de se balader avec un petit sachet de cocaïne dans la poche qu’avec les fesses à l’air. Certes, dans les deux cas, on se trouve face à un délit pénal sanctionné par une peine d’un an d’emprisonnement. Mais, alors que la détention de stupéfiants ne vaut à son auteur qu’une prune maximale de 3750 euros, celle prévue pour un attentat à la pudeur peut atteindre, selon l’article 222-32 du Code pénal, le quadruple. Le genre d’amende qui vous dissuade de sortir vos noix !

Vous vous pensez à l’abri d’une telle condamnation ? En êtes-vous certain(e) ? Vous balader dans le plus simple appareil chez vous, dans votre salon, sur votre terrasse, dans votre jardin ou bien encore au bord de votre piscine, vous rend en effet coupable aux yeux de la loi d’une exhibition sexuelle dès lors qu’un voisin ou un passant est susceptible de vous apercevoir. Pour vivre nus, vivons cachés. Derrière des rideaux, un mur, une palissade ou une haie aussi touffue que les aisselles d’une mamma napolitaine. Que ma voisine se rassure néanmoins : je n’ai pas l’âme d’un collabo, pas plus que la plume d’un corbeau ; elle peut donc continuer de bronzer tranquille sur son balcon. Ce n'est pas moi qui la dénoncerai.

COUVRE-TOI ; IL FAIT FROID !

Quand bien même la justice se montrerait plus clémente envers le nu intégral, il est à parier que seule une infime partie d’entre-nous tomberait alors le kangourou ou la culotte pour se rendre au supermarché, au bureau, au ciné ou au Bal de la Croix Rouge, ce grand gala monégasque qui, chaque année, renvoie l’homme (riche) à l’âge de pierre (précieuse). Il n’y a guère que chez les peuples premiers, comme les appellent les lecteurs du National Geographic, que l’on se balade dans l’état de nature. Et encore, tous les sauvages, comme disent les clients du bar-tabac de mon village (et pas qu’eux), ne sont pas logés à la même enseigne. Pagnes, étuis pelviens et autres cache-sexes masquent les attributs d’un grand nombre d’entre-eux. Il faut ainsi aller au fin fond de  l’Amazonie, au pays des indiens Huaoranis, pour trouver des hommes et des femmes qui vivent encore le cul nu comme nos lointains ancêtres ou, si l’on est créationniste, tels Adam et Ève au paradis.

À l’origine, l’Humanité n’était guère différente du reste du règne animal. Elle vivait et mourait comme elle naissait : sans rien dessus. Il faut dire qu’à l’époque, la fourrure était déjà du dernier chic. Nul besoin pour autant d’élever des milliers de visons dans des conditions parfaitement ignobles (à part ça, c’est l’indien Huaoranis le sauvage !). Non, Lucy et compagnie étaient en effet des plus velus et leur pilosité abondante suffisait largement à leur confort. Oui, mais voilà : il y a 1,7 millions d’années, en même temps qu’il s’est dressé sur ses jambes, l’Homme s’est senti pousser des ailes. C’est ainsi qu’il a quitté ses forêts originelles pour folâtrer dans la savane. Or, le soleil tape dur dans les plaines d’Afrique. Du coup, le système pileux de nos aïeux, homo habilis , homos ergaster et autres homo antecessor, a évolué. Leur pelage s’est peu à peu éclairci et les poils ont désépaissi sans pour autant complètement disparaître. Au grand bonheur des esthéticiennes, de l’américain King Camp Gillette et des actionnaires passés et présents de la société qu’il a fondé à Boston en 1901, chacun de nous en compte encore cinq millions en moyenne !


Descendant de l’homo ergaster, Néandertal allait donc à poil, mais sans poils ! Et, telle la cigale de La Fontaine, il s’est trouvé fort dépourvu quand la bise fut venue. C’était cent-dix mille ans avant notre ère, à l’heure de la dernière période glaciaire. L’Homme des cavernes grelottait alors d’autant plus que le gaillard avait fait du chemin, quittant l’Afrique pour essaimer sous le climat bien plus frisquet d’une Europe où l’irruption de tout un tas de migrants ne faisait pas encore le lit de l’Extrême-Droite.

Du coup, comme il avait oublié d’être bête ou, tout au moins, qu’il ne l’était plus complètement, Néanderthal a fait comme tout célibataire un samedi soir : il est sorti couvert. Au fil des millénaires, les peaux de bête brutes qui le réchauffaient à l’occasion ont gagné en sophistication. Inventant des outils toujours plus complexes, tels que les racloirs, les grattoirs ou bien encore les lissoirs qui, frottés contre la peau, en amélioraient le confort, la souplesse et l’étanchéité, l’homo neanderthalensis a façonné les premiers vêtements. Mais c’est à l’un de ses cousins, le denisovien, que l’on attribue aujourd’hui l’invention qui va faire progresser la mode mieux que Coco Chanel et Karl Lagerfeld réunis : la première aiguille à chas, apparue il y 45000 ans, non pas à Milan ou à Paris, mais dans les toundras de la Sibérie. 

Image

C’est donc pour lutter contre le froid que l’homme s’est habillé. Pour autant, comme tout un chacun peut le constater, ni le réchauffement climatique, ni les canicules estivales ne modifient son comportement. À l’exception de quelques plages, de Montalivet au Cap d’Agde, des Baléares aux Caraïbes, de la Croatie aux Canaries, le monde reste résolument textile. Il le doit à un sentiment très largement partagé : la pudeur. Elle n’a rien d’instinctif. On ne naît pas pudique ; on le devient en nous confrontant aux regards des autres et en nous confortant aux us et coutumes de nos parents. C’est pour cela que, selon les époques, les pays et, tout simplement, le contexte social et familial, la pudeur est une vertu très fluctuante d’un individu à l’autre.

AVEC DES HARDES,
C'EST MOINS HARD !

La pudeur n’a rien d‘une délicatesse, d’une coquetterie, d’une timidité. C’est une protection, une barrière fragile, mais efficace contre la prédation sexuelle. Retournons dans la nuit des temps… Dès lors que la météo l’autorise, l’homme préhistorique n’éprouve aucune gêne à gambader, ses attributs virils offerts aux quatre vents. Miss Paléolithique en fait de même, jusqu’à ce qu’elle comprenne que, si elle veut vivre en paix, il lui faut cacher ce sein que je ne saurais voir et bien davantage. C’est que son mâle, tout descendant du singe qu’il est, se révèle être un véritable cochon.

« MAIS N'TE PROMÈNE
DONC PAS TOUTE NUE ! »

GEORGES FEYDEAU

Vous allez me dire que ces temps de sauvagerie sont révolus, que le petit chaperon rouge d’avoir pris un bon coup de soleil, peut aujourd’hui se promener à demi-nu sur une plage sans pour autant qu’une meute de loups enragés ne le dévore tout cru. C’est oublier un peu vite que #denoncetonporc, on ne l’a pas découvert gravé entre deux mammouths sur les murs de Lascaux. Emmenez n’importe quel hétéro de plus de 15 ans dans un strip bar de Las Vegas et vous verrez qu’il ne se maîtrise pas davantage qu’un gamin de cinq ans devant un paquet de Tagada. Une concupiscence qui me laisse penser qu’en jouant aujourd’hui encore un rôle essentiel dans l’harmonie de notre société, la pudeur a encore de beaux jours devant elle et que le temps où nous flâneront le cul nu n’est pas encore venu.

PLUS QUE NU, TRANSPARENT

Quand bien même la gente masculine promettrait d’être sage ou, scénario bien plus crédible, disparaîtrait de la surface de la Terre, terrassée par un virus féministe, il n’est pas sûr que le nudisme deviennent pour autant la norme. C’est qu’outre le froid et la pudeur, il est un troisième facteur qui nous encourage à nous vêtir : l’égo. La nudité est une épreuve de vérité que peu d’entre-nous se sent vraiment d’affronter. Déjà, parce l’habit, plus encore que le rire, est le propre de l’homme civilisé. Il faut être un petit enfant, un sauvage, un animal ou, pire, un Anglais plein de bière, pour montrer son derrière. Ensuite, parce que le vêtement est le plus commun de nos vernis : il nous protège, certes, mais il nous fait également briller. Par la matière, sa marque ou son style, il affiche notre réussite, notre mode de vie, ce que l’on veut être ou bien paraître. La cravate fait le cadre et le coton la bobo. À poil, en revanche, difficile de tricher ou de se la jouer.

« LA PREMIÈRE FOIS QUE J'AI VU UNE FEMME NUE, J'AI CRU QUE C'ÉTAIT UNE ERREUR. »

Woody Allen

L’expérience est d’autant plus traumatisante que rares sont ceux qui sont totalement fiers de leur corps. Au mieux, on l’assume. Et encore ! Cela devient de plus en plus difficile vu que la presse, la mode, le cinéma et, à présent, Instagram nous abreuvent à longueur de temps de corps qui, tout en étant fort désirables, ne doivent leur perfection qu’au silicone et aux lignes de code de Photoshop. Face à ces modèles illusoires, il est de plus en plus difficile de dévoiler ses petits défauts charnels, son gras du bide, sa cellulite, ses vergetures, ses fesses plates, ses épaules poilus, ses seins tombants, sa petite bite ou bien encore cette culotte bien plus embarrassante que la gaine de Bridget Jones : la culotte de cheval. C’est tellement vrai que, selon un sondage réalisé pour l’entreprise de prêt-à-porter Björn Borg (du nom du célèbre tennisman suédois), plus d’un Français sur deux et deux Anglais sur trois préfèrent faire l’amour dans le noir complet. La sensualité de la chose l’explique sans doute, tout comme nos complexes !

Image

Notre nudité nous fait honte et c’est bien dommage. Car, aussi imparfaite soit-elle, elle reste belle ou, du moins, attendrissante. Elle est un don que l’on fait à celui ou celle qu’on aime et les linges dont on la pare ne sont jamais que du papier cadeau. Et puis, vivre nu nous fait du bien. Sans même qu’il leur soit nécessaire de s’agiter, deux corps nus cohabitant dans un même lit produisent naturellement de l’ocytocine, l’hormone anti-stress. Célibataire ? Au diable le pyjama, vive le naturel. Le corps respire, transpire juste ce qu’il faut et le sommeil n’en est que meilleur. Frileux, frileuse ? Tant pis, c’est pour la bonne cause. Quand le corps a froid, il brûle davantage de calories. Et de jour, c’est pareil : déambuler chez soi dans le plus simple appareil réactive la circulation sanguine et améliore la qualité de votre peau. Enfin, vivre nu, rien qu’un peu, c’est affronter sa vulnérabilité et souvent, passé le vertige des premières minutes, c’est dépasser ses peurs et ses complexes et découvrir alors l’innocence et le bien-être qu’ils occultaient. On ne s’en sent que plus fort, une fois rhabillé.

Voilà pourquoi, même si nous avons d’excellentes raisons de ne pas vivre (toujours) tout nu, il peut être bon de l’oser parfois, seul, à deux ou dans une foule anonyme, chez soi, dans son lit ou son salon, sur un transat dans le jardin ou sur une plage. Cela ne fait pas forcément de nous des sauvages, des proies ou des pervers. Juste des gens mieux dans leur peau, mieux dans leur tête. Et je ne sais pas vous, mais moi, de le savoir et de me dire que je vais mourir moins con (et le plus tard possible) pour finir à six pieds sous terre, nu comme le ver dont je serai le quatre heures, ça me ravit.

Crédits photo :
Nu — Pixabay
Néandertal : Crawford Jolly, via Unsplash
Mère et fils
- Céu Albuquerque, via Pexels
Et puisqu'il se dit qu'en France,
tout se termine par une chanson,
je vous offre celle-là :
Image
Image
Cliquez sur la photo pour l'agrandir.

À lire aussi...

Image
Pourquoi les femmes s’expriment bruyamment pendant l’amour (même quand il est tard) ?
Image
Pourquoi Bernard Hinault est surnommé le Blaireau (et Laura Flessel la Guêpe) ?
Image
Pourquoi la Terre est ronde (mais pas tout à fait) ?
Image
Pourquoi les Anglais conduisent à gauche (et les Japonais aussi) ?