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Pourquoi les enfants gribouillent (jusque sur les murs) ?

Il (ou elle) appelle ça un dessin et nous un gribouillis. Mais ça, nous ne le dirons jamais devant lui (ou elle) parce qu'il est le plus heureux des petits bonhommes (ou la plus fière des demoiselles) quand il (elle) vous offre son chef d'œuvre.

Vous êtes confortablement installé(e) dans votre canapé, devant la télé, à mater la nouvelle saison de Game of Thrones (ou, si vous êtes aussi ringard(e) que moi, un épisode vu et revu d’Hercule Poirot)… Soudain, Junior se pointe dans le salon, une feuille de papier à la main et les doigts plus bariolées qu’une robe de Desigual. « Tiens, Maman — ou Papa, mais c’est plus rare — j’ai fait ça pour toi », vous lâche votre progéniture alors que les dragons de Daenerys pètent le feu (ou que l’ami Hercule active ses petites cellules grises).

S’il y a bien un moment dans la vie pour lequel chacun de nous mérite davantage un Oscar d’honneur que Meryl Streep ou Dustin Hoffman, c’est bien celui-là. Parce que nous accueillons invariablement l’offrande avec le même enthousiasme que Marie le jour où Melchior, Gaspard et Balthazar lui ont apporté de l’or, de la myrrhe, de l’encens et un Thermomix. Et ça, c’est une véritable performance d’acteur, vu le chef d’œuvre que vous tend le bambin. Ne nous mentons pas, une poule à qui on aurait glissé toute une boîte de Bic Kids dans le croupion, n’aurait pas fait plus moche ! « Comme c’est beau !, vous exclamez-vous pourtant. On va tout de suite coller ce joli dessin sur le frigo. »

DU CHAOS NAÎT LA LUMIÈRE

La question se pose : qu’est-ce qui se passe dans la tête de nos mômes quand ils explosent sur le papier, si ce n’est sur le mur de leur chambre, les pointes de leurs feutres, raturant et tourbillonnant avec une férocité jubilatoire digne de Jack Torrance, le fou furieux de Shining ? Et bien des tas de choses, figurez-vous et, pour peu que vous soyez le Champollion du gribouillis, tous ces embrouillaminis et autres zigouigouis à faire passer Miró et Hartung pour d’ennuyeux académistes, vous livrent de précieuses informations sur la psychologie de votre rejeton.

« LE DESSIN EST LA BASE DE TOUT. »

Alberto Giacometti
Il faut savoir tout d’abord qu’entre dix-huit mois et deux ans et demi, voire trois ans, l’enfant dessine pour dessiner. Il teste et développe son agilité manuelle avec des va-et-vient frénétiques et des spirales sans fin. Ça part dans tous les sens, ça vous perce parfois la feuille, ça ne ressemble à rien et le futur Rubens s’en contrefiche comme de sa dernière couche-culotte. Seul le geste compte à ses yeux.

Pourtant, on peut déjà tirer quelques enseignements de ce joyeux bordel. Plus le petit bout est heureux de vivre et sûr de lui, plus il va s’étaler sur sa feuille. L’épaisseur du trait est également signifiant. Léger, il dévoile un enfant sensible ou timide ; appuyé, il dénonce un moutard plein de vitalité, pour ne pas dire de tempérament. Très appuyé ? Le barbouilleur est tendu ! Et puis la forme compte aussi ! La rondeur est le propre des gamins sociables et curieux. L’angle, à l’inverse, trahit les timides et les nerveux.

L'ESPACE ET LA COULEUR

À trois ans (ou six mois de moins pour les plus précoces), Picasso junior passe un sacré cap. Le dessin cesse d’être pour lui un simple jeu manuel. Désormais, c’est du sérieux, un moyen d’expression et, grâce aux commentaires enjoués de ses parents, de valorisation. Bon, soyons franc, ça ne change pas grand chose ! Il a beau s’appliquer pour tracer des traits plus ou moins droits et des cercles plus ou moins ronds, l’exercice relève toujours de la bouillie. Il n’y a guère que les psychologues pour lui donner un peu de sens, s’appuyant pour cela sur deux caractéristiques de ce crobard sans queue ni tête : son emplacement et ses couleurs.

Dis-moi où tu commences ton gribouillage et je te dirai qui tu es ! Au centre de la feuille ? Comme beaucoup de ses congénères, le lardon est un égocentrique pour qui le monde doit forcément tourner autour de sa petite personne. Rien d’alarmant : ils sont tous un peu comme ça à cet âge-là ! À gauche ? Le marmot est encore dans les jupes de sa mère et celle-ci gagnerait à l’en sortir gentiment pour qu’il trouve enfin sa place dans le grand monde. À droite ? On a affaire à un audacieux ou une audacieuse, qui regarde l’avenir avec envie, pressé(e) de grandir pour gagner en autonomie. En haut ? C’est un rêveur ou une rêveuse. En bas ? Une (e) pragmatique qui a les pieds sur terre et les idées claires.

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Autres signes révélateurs de la nature profonde du poulbot : sa palette ! L’artiste en herbe ne choisit jamais ses couleurs par souci de réalisme, mais selon ses préférences. On peut ainsi se baser sur les tons dominants de ses créations pour percer quelque peu sa personnalité. Le bleu est propre à l’enfant sage et sensible, et le vert à la bonne pâte et à l’intuitif. Le jaune est le chouchou de l’enfant joyeux et/ou curieux, et l’orange est celui du bon camarade, convivial et collectif. Le noir colle à l’enfant secret tandis que le rouge est le premier choix de l’enfant énergique ou… colérique.

LA FAMILLE TÊTARD

Le temps passe, les ramettes de papier trépassent, jusqu'à ce que, soudainement, éclose la vie ! Tel un trilobite à l’aube du monde, le premier « bonhomme têtard » apparaît. Ce corps sans torse et, pour quelques mois encore, sans membres, n’est rien d’autre qu’une représentation maladroite de son créateur. Il est ainsi possible d’évaluer l’estime qu’il se porte à la taille et à la position de son avatar. Un môme bien dans ses baskets se dessinera toujours au centre. S’il se représente tout petit, exilé dans un coin de la feuille, c’est peut-être qu’il manque de confiance en lui ou peine à créer des liens avec ses congénères. 

Irrémédiablement, même s’il devient très vite évident que le fiston ou la petite ne fera pas d’ombre à Van Gogh, ce bonhomme têtard évolue, ses cheveux poussent, tout comme les doigts qui vont rarement par cinq. Bientôt apparaissent Papa, Maman, la maison, l’école, les arbres, le soleil… En un  mot : le monde ! Et là, nous ne sommes plus dans le gribouillage, mais dans le dessin, ce régal des pédopsychiatres.

Voilà pourquoi, quelques années durant, votre imprimante mange mystérieusement les feuilles que vous glissez dans son chargeur et que vos stabilos ne crachent plus une goutte de fluo alors que vous les avez achetés il n'y a même pas quinze jours. Et je ne sais pas vous, mais moi, rien que de le savoir et de me dire que je vais mourir moins con et réconcilié avec Epson et la Schwan-Stabilo Schwanhäusser GmbH and Co (et, bien sûr, le plus tard possible), ça me ravit. 

Et puisqu'il se dit qu'en France, tout se termine par une chanson, je vous offre celle-là :

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Il (ou elle) appelle ça un dessin et nous un gribouillis. Mais ça, nous ne le dirons jamais devant lui (ou elle) parce qu'il est le plus heureux des petits bonhommes (ou la plus fière des demoiselles) quand il (elle) vous offre son chef d'œuvre.

Vous êtes confortablement installé(e) dans votre canapé, devant la télé, à mater la nouvelle saison de Game of Thrones (ou, si vous êtes aussi ringard(e) que moi, un épisode vu et revu d’Hercule Poirot)… Soudain, Junior se pointe dans le salon, une feuille de papier à la main et les doigts plus bariolées qu’une robe de Desigual. « Tiens, Maman — ou Papa, mais c’est plus rare — j’ai fait ça pour toi », vous lâche votre progéniture alors que les dragons de Daenerys pètent le feu (ou que l’ami Hercule active ses petites cellules grises).

S’il y a bien un moment dans la vie pour lequel chacun de nous mérite davantage un Oscar d’honneur que Meryl Streep ou Dustin Hoffman, c’est bien celui-là. Parce que nous accueillons invariablement l’offrande avec le même enthousiasme que Marie le jour où Melchior, Gaspard et Balthazar lui ont apporté de l’or, de la myrrhe, de l’encens et un Thermomix. Et ça, c’est une véritable performance d’acteur, vu le chef d’œuvre que vous tend le bambin. Ne nous mentons pas, une poule à qui on aurait glissé toute une boîte de Bic Kids dans le croupion, n’aurait pas fait plus moche ! « Comme c’est beau !, vous exclamez-vous pourtant. On va tout de suite coller ce joli dessin sur le frigo. »

DU CHAOS NAÎT LA LUMIÈRE

La question se pose : qu’est-ce qui se passe dans la tête de nos mômes quand ils explosent sur le papier, si ce n’est sur le mur de leur chambre, les pointes de leurs feutres, raturant et tourbillonnant avec une férocité jubilatoire digne de Jack Torrance, le fou furieux de Shining ? Et bien des tas de choses, figurez-vous et, pour peu que vous soyez le Champollion du gribouillis, tous ces embrouillaminis et autres zigouigouis à faire passer Miró et Hartung pour d’ennuyeux académistes, vous livrent de précieuses informations sur la psychologie de votre rejeton.

« LE DESSIN
EST LA BASE
DE TOUT. »

Alberto Giacometti
Il faut savoir tout d’abord qu’entre dix-huit mois et deux ans et demi, voire trois ans, l’enfant dessine pour dessiner. Il teste et développe son agilité manuelle avec des va-et-vient frénétiques et des spirales sans fin. Ça part dans tous les sens, ça vous perce parfois la feuille, ça ne ressemble à rien et le futur Rubens s’en contrefiche comme de sa dernière couche-culotte. Seul le geste compte à ses yeux.

Pourtant, on peut déjà tirer quelques enseignements de ce joyeux bordel. Plus le petit bout est heureux de vivre et sûr de lui, plus il va s’étaler sur sa feuille. L’épaisseur du trait est également signifiant. Léger, il dévoile un enfant sensible ou timide ; appuyé, il dénonce un moutard plein de vitalité, pour ne pas dire de tempérament. Très appuyé ? Le barbouilleur est tendu ! Et puis la forme compte aussi ! La rondeur est le propre des gamins sociables et curieux. L’angle, à l’inverse, trahit les timides et les nerveux.

L'ESPACE ET LA COULEUR

À trois ans(ou six mois de moins pour les plus précoces), Picasso junior passe un sacré cap. Le dessin cesse d’être pour lui un simple jeu manuel. Désormais, c’est du sérieux, un moyen d’expression et, grâce aux commentaires enjoués de ses parents, de valorisation. Bon, soyons franc, ça ne change pas grand chose ! Il a beau s’appliquer pour tracer des traits plus ou moins droits et des cercles plus ou moins ronds, l’exercice relève toujours de la bouillie. Il n’y a guère que les psychologues pour lui donner un peu de sens, s’appuyant pour cela sur deux caractéristiques de ce crobard sans queue ni tête : son emplacement et ses couleurs.

Dis-moi où tu commences ton gribouillage et je te dirai qui tu es ! Au centre de la feuille ? Comme beaucoup de ses congénères, le lardon est un égocentrique pour qui le monde doit forcément tourner autour de sa petite personne. Rien d’alarmant : ils sont tous un peu comme ça à cet âge-là ! À gauche ? Le marmot est encore dans les jupes de sa mère et celle-ci gagnerait à l’en sortir gentiment pour qu’il trouve enfin sa place dans le grand monde. À droite ? On a affaire à un audacieux ou une audacieuse, qui regarde l’avenir avec envie, pressé(e) de grandir pour gagner en autonomie. En haut ? C’est un rêveur ou une rêveuse. En bas ? Une (e) pragmatique qui a les pieds sur terre et les idées claires.

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Autres signes révélateurs de la nature profonde du poulbot : sa palette ! L’artiste en herbe ne choisit jamais ses couleurs par souci de réalisme, mais selon ses préférences. On peut ainsi se baser sur les tons dominants de ses créations pour percer quelque peu sa personnalité. Le bleu est propre à l’enfant sage et sensible, et le vert à la bonne pâte et à l’intuitif. Le jaune est le chouchou de l’enfant joyeux et/ou curieux, et l’orange est celui du bon camarade, convivial et collectif. Le noir colle à l’enfant secret tandis que le rouge est le premier choix de l’enfant énergique ou… colérique.

LA FAMILLE TÊTARD

Le temps passe, les ramettes de papier trépassent, jusqu'à ce que, soudainement, éclose la vie ! Tel un trilobite à l’aube du monde, le premier « bonhomme têtard » apparaît. Ce corps sans torse et, pour quelques mois encore, sans membres, n’est rien d’autre qu’une représentation maladroite de son créateur. Il est ainsi possible d’évaluer l’estime qu’il se porte à la taille et à la position de son avatar. Un môme bien dans ses baskets se dessinera toujours au centre. S’il se représente tout petit, exilé dans un coin de la feuille, c’est peut-être qu’il manque de confiance en lui ou peine à créer des liens avec ses congénères. 

Irrémédiablement, même s’il devient très vite évident que le fiston ou la petite ne fera pas d’ombre à Van Gogh, ce bonhomme têtard évolue, ses cheveux poussent, tout comme les doigts qui vont rarement par cinq. Bientôt apparaissent Papa, Maman, la maison, l’école, les arbres, le soleil… En un  mot : le monde ! Et là, nous ne sommes plus dans le gribouillage, mais dans le dessin, ce régal des pédopsychiatres.

Voilà pourquoi, quelques années durant, votre imprimante mange mystérieusement les feuilles que vous glissez dans son chargeur et que vos stabilos ne crachent plus une goutte de fluo alors que vous les avez achetés il n'y a même pas quinze jours. Et je ne sais pas vous, mais moi, rien que de le savoir et de me dire que je vais mourir moins con et réconcilié avec Epson et la Schwan-Stabilo Schwanhäusser GmbH and Co (et, bien sûr, le plus tard possible), ça me ravit. 

Et puisqu'il se dit qu'en France, tout se termine par une chanson, je vous offre celle-là :

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